L’ostéopathie : comment ça marche ?
Suite à une demande de certains lecteurs intéressés par l’ostéopathie je me permets d’écrire ce nouvel article. J’ai bien conscience que le sujet dénote quelque peu du thème initial du Blog, je vais donc tâcher d’être à la fois précis et synthétique.!
Ce propos s’appuie sur la tradition ostéopathique: A.T. Still, W.G. Sutherland, et est surtout influencé par la pensée de Rollin Becker.!
Parmi les questions les plus fréquentes: « comment ça marche? » « Que se passe‑t-il quand, à certains moments du traitement, vous posez vos mains pendant plusieurs minutes en restant sur la même région du corps, sans presque aucun mouvement de votre part?»
Lorsque nous entrons dans l’exploration des phénomènes à l’oeuvre dans un corps humain vivant et c’est bien ce que cherche l’ostéopathe, nous ne nous limitons pas à une démarche analytique. Au‑delà de cette démarche, bien qu’intéressante et nécessaire, nous cherchons à être dans un état réceptif et disponible à l’autre. Par son écoute et son attention, l’ostéopathe effectue une évaluation de l’ensemble des mouvements, des circulations, des tensions et des contraintes présentes dans le corps humain.
En fait, tout ceci est très concret, et peut être abordé sans mysticisme ou conception ésotérique. Prenons quelques idées admises par tous:
1- principe d’homéostasie : le corps humain est un système vivant capable de réguler ses constantes physiologiques par rapport à un équilibre naturel. Les concentrations ioniques, moléculaires, biochimiques répondent à cela en permanence, et tout ceci se fait de manière involontaire, sans notre intervention. Par exemple, les concentrations en insuline et glucagon régulent la glycémie tout au long de la journée, en fonction de l’apport en nourriture et la dégradation des nutriments, pour maintenir un équilibre au sein du milieu intérieur.
2- Les rythmes : pour maintenir ces constantes et cet équilibre du milieu intérieur, nous observons la présence de rythmes au sein du corps: il y a des rythmes sur lesquels nous pouvons avoir une action volontaire, par exemple la fréquence respiratoire. D’autres rythmes, régulés par le système nerveux végétatif autonome, sont dit involontaires: la fréquence cardiaque par exemple, mais aussi d’autres rythmes qui existent mais qui sont difficilement évaluables avec les outils scientifiques actuels), qui sont par ailleurs perceptibles avec de l’entrainement. La qualité de ces rythmes garantit la qualité des échanges au sein du milieu intérieur, ainsi qu’avec l’environnement.
Si nous considérons 1- comme vrai, alors il est assez aisé d’admettre que ce phénomène réagit à une" force intrinsèque: comme un principe de vie, qui motive ces échanges, tendant vers cet équilibre naturel dont nous avons parlé ci‑dessus. Bien que cette force interne ne soit pas visible à l’oeil nu, comment douter de son existence? Nous en observons les effets continuellement, sans en avoir conscience. Et comment le corps pourrait‑il fonctionner sans l’existence d’une force de soutien?
Alors, maintenant, que se passe‑t-il dans le traitement ostéopathique?
L’ostéopathe, dans son diagnostic ostéopathique, observe les mouvements, les rythmes, les circulations au sein du corps, ainsi que les régions en tension, en contrainte, en souffrance. Le toucher ostéopathique d’écoute, dit « fonctionnel », devient un point d’appui. En physique, un point d’appui est un point immobile autour duquel se manifeste une force, par l’intermédiaire de bras de levier. Le praticien faisant office de point d’appui (le « Fulcrum » du jargon ostéopathique) possède ses propres points d’appui, ses bras de levier. Il est le point d’appui par son sens du toucher. Le toucher est un point de rencontre: il y a d’un côté les forces du praticien, et de l’autre, celles du patient. En physique, le point d’appui est immobile et contient en son sein la puissance pour le mouvement. En ostéopathie aussi.
La main de l’ostéopathe, en tant que point d’appui permet à ce principe de régulation interne d’être plus efficace (cf1‑), elle agit comme un catalyseur des phénomènes en présence. Elle s’accorde aux rythmes dont nous avons parlé en 2‑, notamment des rythmes plus profonds, et à travers eux laisse émerger la santé.
Prenons une zone en souffrance: notre travail est d’amener un équilibre des tensions à travers lequel va pouvoir s’exprimer l’homéostasie (cette force à demeure, qui, d’ailleurs, n’attend que cela!), et ainsi, retrouver un état d’équilibre naturel que nous appelons communément la santé.
Voilà tout ce qui se passe lorsque nous travaillons, les mains posées dans une apparente et relative immobilité: c’est tout un monde vivant qui s’exprime à l’intérieur du corps, et avec lequel nous communiquons, pour l’aider à retrouver un meilleur état fonctionnel.
Pour résumer plus simplement: à travers le toucher ostéopathique ce n’est pas le praticien qui « fait directement », mais c’est le corps du patient qui travaille. C’est, en quelque sorte, un auto‑traitement; cependant, le point d’appui de l’ostéopathe est nécessaire. Certaines mobilisations et interventions plus directes ont leur utilité, mais elles sont faites en accord avec ces principes dont nous avons parlé ci‑dessus.
Pour finir, une citation fondatrice de WG Sutherland qui est très éclairante: « permettre à la fonction physiologique de manifester sa puissance infaillible, plutôt que d’appliquer une force aveugle venue de l’extérieur ».
A lire :
- La Vie en Mouvement et L’Immobilité de la Vie, R.E. Becker, Ed. Sully,
- The Fulcrum,T. Schooley, 1953 OCA Journal.