Comprendre son corps, devenir autonome
Comprendre son corps, devenir autonome
Conseils d’un ostéopathe pour les musiciens
par Florian Mandrillon, ostéopathe
Cet article fait suite à celui abordant la posture et celui sur l’ostéopathie adaptée pour le musicien. Dans ce nouvel article, je vais vous faire part des conseils que je donne à mes patients musiciens pour les aider à prendre soin d’eux, pour éviter les blessures et rester dans un bon équilibre.
Changer son rapport au corps
L’intention de cet article est de vous donner l’envie de considérer votre corps autrement. Nous avons souvent un rapport avec lui qui n’est pas très sain: nous lui demandons beaucoup, nous l’utilisons de manière parfois intensive, sans l’écouter. Sans écouter les messages qu’il nous envoie. Cette sorte de coupure avec le corps est une des causes principales de blessure. Vous connaissez l’expression « à force de tirer sur la corde, elle lâche ». Pour qui sait entretenir et développer une relation plus respectueuse avec son corps, il en fera un allié et entendra mieux les messages qu’il lui envoie.
Développer ses sens
Intégrer le corps dans son travail musical quotidien et développer une banque de sensations.
De même que l’oreille du musicien doit se développer au fil des années, pour devenir de plus en plus fine et entrainée, il pourrait en faire de même avec tous ses sens. Bien que le toucher et l’audition sont les deux sens les plus actifs dans la pratique de la musique, le musicien joue avec tout ce qu’il est. Plus son vécu sensoriel sera riche et développé, plus il pourra s’appuyer sur ces sensations et faire passer par son jeu des nuances beaucoup plus riches.
A ce titre les séances d’ostéopathie biodynamique donnent à la personne une occasion particulière d’expérimenter certaines sensations corporelles qui pourront beaucoup aider le musicien.
Des exercices pratiques peuvent être largement développés dans des ateliers de groupe ou dans des stages.
Respirer
Être vigilant à sa respiration pour ne pas rester en apnée. La respiration est très importante du point de vue physiologique. C’est également un marqueur important de notre propre niveau de tension, de stress. En effet, la fonction du diaphragme est étroitement reliée au système neuro‑végétatif (qui gère la vie des organes). Une respiration libre permet un massage interne des organes et une circulation essentielle. Quand nous sommes tendus ou très fortement concentrés, il arrive que nous nous mettions en apnée, sans nous en rendre compte. Il est important que le musicien ait une attention à la qualité de sa respiration avant et pendant le jeu.
Bouger
La pratique sérieuse d’un instrument nécessite plusieurs heures de travail quotidien. Par la force des choses, cela nous contraint à des positions statiques, assise pour le guitariste.
Le corps humain est fait pour le mouvement. La chose qui lui est la plus néfaste est le manque de mouvement, la sédentarité. Il est donc important que le musicien puisse contrebalancer ces phases de travail musical statique avec des moments, chaque jour, où il marche, fait de l’exercice, des mouvements. Je ne parle pas forcément de sport, mais plutôt de « pratique du mouvement ». En effet, certains apprécieront de faire du sport, et cela leur fera beaucoup de bien, mais tous les corps ne sont pas les mêmes et il conviendra mieux à d’autres de faire des mouvements de gymnastique, d’autres types de mouvement qui leur sera plus adapté. Peu importe le type de mouvement, tant qu’il bouge!
Ce que je pourrait conseiller est de faire travailler en priorité les parties du corps qui ne bougent pas ou peu pendant la pratique de l’instrument: le bas du dos, le bassin, les hanches. L’idéal est d’avoir une pratique complète, mais pensez bien à étirer le dos, les muscles psoas dont nous avons déjà parlé dans l’article sur la posture du guitariste.
Si possible, éviter de pratiquer de manière trop intensive les sports de raquette comme le tennis dont les mouvements déploient des contraintes très importantes au niveau des tendons du poignet, du coude et de l’épaule, ce qui augmente donc considérablement le risque de développer des pathologies comme les tendinites. Je connais pour autant certains guitaristes amoureux de la raquette, donc si vous jouez au squash ou au tennis, faites‑le avec modération!
N’hésitez pas à solliciter un professionnel, ostéopathe ou kinésithérapeute pour vous montrer des étirements et des exercices que vous pourrez appliquer dans votre quotidien. Cela vous rendra plus confiant et plus autonome pour vous entretenir physiquement.
Auto‑massages
Je conseille et propose également aux musiciens d’apprendre quelques techniques simples d’auto‑massage, notamment pour les mains. Qui n’a pas eu, après des séances de travail intensives, les mains endolories, courbaturées? Ces douleurs, même si elles passent souvent en quelques heures, peuvent parfois durer plus longtemps, ou du moins laisser comme une impression de lourdeur et d’ankylose. Se masser soi‑même les mains, par exemple avant de se coucher, pendant quelques minutes permet de détendre ces muscles des mains, des doigts, qui ont beaucoup travaillés, et cela donne généralement une sensation de légèreté, de souplesse, sur le moment et surtout après. Cela peut aussi permettre de gagner de l’aisance pour la plupart des gestes techniques comme les écarts de main gauche. Cela prévient également le risque de contracture chronique ou de tendinite, en activant la circulation sanguine dans les zones massées. De plus, le fait que le musicien puisse s’approprier davantage ces sensations physiques de tension et de détente l’aidera à être bien plus attentif à elles pendant qu’il pratique son instrument.
Cela peut être également utilisés comme des massages rapides, « de chauffe », qui auront vocation à préparer les mains à leur travail.
Avant de jouer…
Le moment qui précède le travail musical ou le jeu scénique pourra être l’occasion, pendant quelques secondes ou minutes, de reprendre contact avec ces sensations corporelles qu’il aura pu expérimenter dans ce dont nous avons parlé plus haut. Cela l’aidera à se préparer mentalement, à se centrer plus facilement, ce qui sera un véritable appui.
Que faire en cas de douleur?
Cela pourrait être un sujet à développer, mais voici quelques étapes simples à suivre si vous ressentez une douleur physique pendant votre pratique de l’instrument:
1- faire une pause. Il se peut que vous ayez été mal positionné et/ou ayez un peu forcé. Souvent, la douleur s’atténue en quelques minutes.
2- si la douleur persiste ou revient, prenez un peu plus de temps pour faire quelques exercices ou techniques d’auto‑massage que vous aurez pu apprendre avec un professionnel.
3- Si ces exercices ne sont pas suffisamment efficaces, je vous conseillerai de consulter un ostéopathe, qui pratique une approche douce. C’est souvent l’approche la plus efficace, de manière rapide sur les douleurs musculo‑squelettiques. L’ostéopathe, de par sa formation, a la possibilité de renvoyer le patient vers un médecin pour faire des examens ou un kinésithérapeute pour un avis spécialisé, si nécessaire, mais par expérience il y a beaucoup de douleurs qui disparaissent après une ou deux séances d’ostéopathie.
Etre suivi par un professionnel
Avoir un professionnel référent ostéopathe ou kinésithérapeute est quelque chose de précieux. Vous pourrez le consulter une ou plusieurs fois dans l’année si nécessaire pour le travail d’entretien dont nous avons parlé dans l’article sur l’ostéopathie pour le musicien (je conseille au moins une à deux fois par an). Il pourra également répondre à vos questions si vous avez besoin d’un conseil ou d’être rassuré. Au fil du temps, il connaîtra votre cas et pourra donc vous donner des conseils ciblés et pertinents qui vous aideront à rester en bonne forme physique pour votre vie de musicien.
Si vous avez des questions n’hésitez pas à me contacter.
Florian Mandrillon
067444014
**Crédit photos : Laure Duchet, extrait du livre « une approche sensible du corps »
avec Florian Mandrillon, 2017